Pour changer un peu des salles de cours et de concert, je vous emmène au musée.

Le musée des musiques populaires de Montluçon, ou MUPOP pour les intimes, a effectivement consacré une superbe exposition temporaire à notre instrument favori qui fête ses 100 ans d’existence.

Cette exposition s’intitule Roll & Swing – Naissance de la batterie en France et elle est naît d’une étroite collaboration entre le MUPOP et Philippe NASSE.

J’ai eu la chance de la découvrir en Novembre dernier lors d’une visite guidée par le commissaire de l’exposition.

Musée

Affiche de l’exposition – Source : MUPOP

Le MuPop …

Le MUPOP a ouvert ses portes le 21 Juin 2013 (pour la Fête de la Musique, bien sûr !). Sa création résulte d’une longue histoire entre la ville de Montluçon et les musiques populaires.
Ouvert en 1959, le musée originel est rapidement devenu le « Musée de la vielle ». Au cours des années 1990, il étend son champ d’action musical aux cornemuses puis aux guitares électriques.
Et, ce développement a ainsi conduit à la conception d’un musée moderne.

Musée

Le Mupop – Photo : FR[ed]C

Le MUPOP est installé dans le centre historique de la ville de Montluçon. Ce musée occupe deux hôtels particuliers entièrement rénovés à cette occasion.
D’une part, l’hôtel CHARNISAY a été restauré dans le plus grand respect du patrimoine historique. Et, d’autre part, l’hôtel MECHAIN a reçu un traitement contemporain.
Une extension moderne relie ces deux entités et abrite l’entrée du musée et les espaces d’animation.

La muséographie permet de découvrir 3500 instruments de musique répartis sur 3.300 m². Ainsi, elle comprend :

  • trois parcours : un parcours musical consacré aux répertoires et aux mouvements musicaux de la fin du 18ème siècle jusqu’aux années 1990, un parcours instrumental permettant de découvrir l’histoire, le fonctionnement et la fabrication des instruments exposés et un parcours numérique interactif au moyen d’un système d’écoute individuel,
  • un espace d’exposition temporaire,
  • un espace de médiation où se déroulent différents ateliers de découverte,
  • un centre de documentation et des réserves accessibles aux chercheurs et aux spécialistes.

Musée

Le Mupop – Photo : FR[ed]C

En visitant ce musée, vous pourrez ainsi découvrir l’univers musical sous toutes ses facettes grâce aux collections d’instruments bien sûr, mais aussi grâce aux collections d’affiches, de pochettes de disques, de photographies, de costumes de scène, aux reconstitutions d’ateliers de lutherie, de studios d’enregistrement, de locaux de répétition, etc…

Philippe NASSE, commissaire de l’exposition …

Philippe NASSE est l’initiateur et le commissaire de l’exposition Roll & Swing qu’il a préparé depuis 2010 avec Eric BOURGOUGNON, conservateur du musée des Musiques Populaires.

Ce personnage passionné et passionnant a de nombreuses cordes à son arc.

Il est tout d’abord musicien et joue de la batterie depuis l’âge de 10 ans.
Philippe NASSE est ainsi percussionniste et tambourinaire avec la compagnie AMUSéON et La Bannière du Grand Bourdon. Il est également batteur jazz avec le groupe My Sérénade.

Parallèlement, il réalise un énorme travail de recherche sur les percussions du monde et sur la batterie. Et, cela a aboutit à la création d’ouvrages musicologiques et de films documentaires et pédagogiques sur les musiques traditionnelles et les percussions (la collection DVD « Le Salon de Musique« ).

Puis, pendant une dizaine d’année, il a recentré ces recherches sur l’origine des batteries en France. Et, il a rencontré de nombreux passionnés et collectionneurs.

Il créé alors le site internet Jazz-band.fr et contacte le MUPOP qui se montre très intéressé par ses recherches et lui ouvre les réserves du musée.

La suite, vous la connaissez. Il allie ses passions pour l’histoire et la musique et il prend en charge la conception et la réalisation de l’exposition Roll & Swing : sélection des objets exposés, scénarisation, rédaction des textes et réalisation audiovisuelle.

Musée

Dédicace de Philippe NASSE

« Véritable instrument de la modernité, la batterie est tellement au centre de toutes les musiques actuelles, que l’oreille humaine en a presque oublié son importance, et on s’est dit que cette expo qui regarde le 20ème siècle à travers le prisme de notre instrument, permettrait une nouvelle lecture de notre histoire contemporaine. »
Philippe NASSE – BATTEUR MAGAZINE # 312 – Juin 2017 : « Le Mupop de Montluçon célèbre la batterie ».

Le début d’une histoire méconnue …

L’exposition Roll & Swing retrace l’histoire de la batterie en France de la fin du 19ème siècle aux années 1960.

Elle met également un coup de projecteur sur un instrument méconnu et qui est pourtant, avec la guitare électrique, l’un des plus représentatifs de la musique du 20ème siècle.
Elle fournit des explications historiques, techniques, musicales et sociologiques et démontre de quelle manière la batterie a pris une place prépondérante dans tous les styles de musique.

Ainsi, le début de la visite nous rappelle les origines de la batterie dans le berceau du jazz, la Nouvelle-Orléans, à la fin du 19ème siècle. Et surtout, on assiste à son arrivée en France en 1917 avec les Harlem Hellfighters, un groupe de 65 musiciens afro-américains et portoricains engagés au sein d’un régiment d’infanterie américain pour soutenir en musique les troupes alliées.
Sous la direction de James Reese Europe, ils réalisent en 1918 une tournée dans une vingtaine de villes et font découvrir aux Français les prémices du jazz en même temps que ce nouvel instrument qui permet à un seul musicien d’actionner plusieurs percussions.

Musée

James Reese Europe and his famous 369th U.S. Infantry « Hell Fighters » Band. Par Inconnu [Public domain], via Wikimedia Commons

A la conquête de la société française …

La batterie va alors évoluer en même temps que la société française.

Après la Première Guerre Mondiale, les Français veulent s’amuser et danser pour oublier les horreurs de la guerre. Avec les « Années Folles », de nouvelles danses venues des Etats-Unis accompagnent cet état d’esprit. Et la batterie devient rapidement l’instrument qui symbolise cette révolution musicale basée avant tout sur le rythme.

Les orchestres populaires traditionnellement organisés autour de l’accordéoniste veulent également se moderniser et font rapidement l’acquisition d’une batterie.

De nombreux facteurs d’instruments français vont alors commencer à fabriquer des batteries. Ils s’inspirent naturellement des grandes marques américaines (GRESTSCH, SLINGERLAND, LEEDY, LUDWIG) mais la production reste très artisanale.
En revanche, la production française se démarque par son côté « Art-déco » avec des fûts recouverts de marqueterie de bois, d’incrustations, de gravures ou de peintures.

Musée

La « star » de l’exposition : jazz-band IMPERATOR MONDUS (fin des années 1920) – Couverture du catalogue de l’exposition – Source : Collection MUPOP – © Photo Stanislas Grenet

Dans le même temps, ces artisans et certains musiciens passionnés se transforment en inventeurs géniaux. Ils proposent sans cesse aux batteurs des innovations techniques.

D’incessantes innovations techniques …

Les premières formes de batteries ne comprenaient généralement que deux éléments : une grosse caisse et une caisse claire jouées alternativement par un seul musicien (double drumming).

LUDWIG va révolutionner notre instrument en 1909 en inventant la pédale de grosse caisse. Le musicien peut alors jouer la grosse caisse avec le pied et libérer ses mains. Et cela a des conséquences immédiates sur la pratique instrumentale.

Musée

Drawing of the first William F. Ludwig pedal patent : Drum and cymbal playing apparatus – Par William F. Ludwig (U.S. Patent 922706) [Public domain], via Wikimedia Commons

Par ailleurs, de nombreux accessoires joués avec les mains sont ajoutés à la batterie. Ils sont disposés sur des potences ou des portiques selon les besoins du musiciens qui devient un homme-orchestre : cymbales, cloches, grelots, klaxons et de nombreux objets de la vie quotidienne détournés (pelle-bêche, poêles, etc …). Dès les débuts, la batterie est un instrument modulaire et il y a déjà autant de batteries que de batteurs !

En France, les accordéonistes s’emparent rapidement de cet accessoire et commencent à jouer avec leurs pieds. On assiste alors à la création des batteries verticales ou « batteries automatiques » qui permettent de ponctuer la musique avec des roulements joués sur la grosse caisse.

Vers 1926, une autre invention va finaliser l’organisation de la batterie. Il s’agit de la pédale de hi-hat qui lui donne la forme que nous connaissons encore aujourd’hui : grosse caisse / caisse claire / toms / cymbales / charleston.

Et toute l’histoire de la batterie sera ainsi marquée par des innovations techniques ingénieuses : tirants séparés, sourdines, déclencheurs de timbres, membranes ou peaux en plastique, etc …

Les facteurs de batteries français …

Tout au long de l’exposition, on peut ainsi découvrir l’importance et l’inventivité des facteurs de batteries français. Et, finalement, la batterie doit beaucoup à la France dans son évolution technique avec des artisans passionnés qui ont sans cesse œuvré pour répondre aux besoins des batteurs : CIRICHELLI & CONSOL, ASBA, METJAZZ, FAIVRE, BEUSCHER, BERGERAULT, etc …

Musée

Batterie ASBA Bebop (1948) avec de nombreuses innovations techniques – Photo : FR[ed]C

Le parcours se termine par un ensemble de batteries des années 1950 – 1960 qui préfigurent les batteries modernes des décennies suivantes. Symboliquement, la chronologie proposée s’arrête en 1964 avec la batterie Ludwig Black Oyster de RINGO STAR, batteur des BEATLES.

Musée

Exposition Roll & Swing au MUPOP – Photo : FR[ed]C

Des anecdotes enrichissent la visite …

L’exposition est très riche et elle propose une scénographie vraiment soignée.
Mais elle prend encore une dimension supplémentaire grâce à l’érudition de Philippe NASSE et aux nombreuses anecdotes qu’il révèle tout au long de la visite.

Ainsi, saviez-vous que, durant l’entre deux guerres en France, le « jazz-band » ne désigne pas uniquement une formation mais la batterie elle-même ?
En effet, à ces débuts, la batterie est tellement indissociable du jazz qu’il y a une confusion totale entre le style musical, la formation de musiciens et l’instrument qui sont tous appelés « jazz-band ».
Peu à peu, elle devient le « jazz » puis prend véritablement la dénomination de « batterie » à la fin des années 1920 (cela fait référence à la définition initiale du terme « batterie » : série d’appareils, d’instruments, d’éléments destinés à fonctionner ou à être utilisés ensemble … batterie de cuisine, d’artillerie, etc …).

Autre anecdote : Le terme « charleston » ne se retrouve qu’en France. La raison ? Cette cymbale est apparue chez nous en même temps que la musique portant ce nom.

« Nous pourrions croire qu’une exposition de batteries allait royalement embêter tout le monde et n’aurait intéressé́ que quelques spécialistes ou batteurs. Il n’en est rien et nous prouvons à travers l’exposition Roll & Swing que cela est passionnant pour le grand public. La batterie est en effet à l’origine du rythme dans la musique, du bruit dans les musics-halls, des danses qui ont fait tellement de bien au monde à l’entre-deux guerres. Sans la batterie, pas d’Années Folles et pas de libération de l’homme et de la femme. La batterie a été́ à l’origine d’une nouvelle joie de vivre au sortir de la guerre 14-18. »

Philippe NASSE – La semaine de l’Allier – 28/06/2017

La batterie entre au musée …

Pour aboutir à ce résultat, l’exposition a mobilisé le fonds des réserves publiques du MUPOP, ceux de la Cité de la Musique à PARIS, de TULLE et de ROUBAIX. Quelques unes des batteries présentées appartiennent effectivement au MUPOP et les autres ont été prêtées par des collectionneurs privés.

Je pense que c’est la première fois que la batterie a droit à une exposition d’une telle envergure en France.

En effet, l’exposition Roll & Swing occupait une salle de 300 m² environ et elle a duré 6 mois !

musée

Exposition Roll & Swing au MUPOP – Photo : FR[ed]C

Elle présentait au grand public 33 batteries, dont des modèles uniques et qui n’avaient jamais été exposés jusqu’à présent.

Les plus remarquables d’entre elles étaient disposées sur des podiums individuels comme le jazz-band « Imperator Mondus » fabriqué par CIRICHELLI, CONSOL & Cie à la fin des années 1920, acheté par le MUPOP en 2016 et entièrement restauré.

Des podiums thématiques regroupaient par ailleurs des batteries françaises, des batteries américaines, des caisses claires et une sélection de batteries des années 1950-60.

musée

Exposition Roll & Swing au MUPOP – Photo : FR[ed]C

D’autres espaces nous éclairent également sur l’évolution des cymbales, des peaux et des baguettes. Des vitrines nous font découvrir une vingtaine de modèles de pédales de grosse caisse datant de 1865 à 1965, et de nombreux modèles de pédales de hi-hat.

musée

Exposition Roll & Swing au MUPOP – Photo : FR[ed]C

Et l’évolution technique de la batterie est retracée dans la présentation de 150 brevets déterminants !

Pour finir, 35 films d’archives et documentaires (projetés sur 20 écrans), 47 points d’écoute et 3 écrans tactiles interactifs permettent de retracer l’évolution de l’instrument et de sa pratique, de mettre en lumière les premiers batteurs américains qui font carrière en France, les batteurs français de l’époque, de découvrir l’enregistrement du premier solo de batterie, etc …

… et elle anime toute une ville !

Vous êtes comme moi, un fondu de batterie, et l’exposition ne vous suffit pas !

Alors, la ville de Montluçon était faite pour vous au cours du 2ème semestre 2017.

En effet, pendant toute la durée de l’exposition Roll & Swing, de nombreuses manifestations ont été organisées sur le thème de la batterie : des conférences, des spectacles vivants, des ateliers thématiques, des séances de cinéma, des concerts, des bals, des animations pour les enfants …

Ainsi, j’ai pu assister à un superbe concert d’Anne PACEO à l’Embarcadère et j’ai participé à deux ateliers : « Sonoriser sa batterie » animée par Philippe MOISSET, ingénieur du son du 109 et « Accorder sa batterie acoustique » avec les conseils de Jean-François MIGUEL, batteur et directeur de l’école de batterie TAM TAM.

Et maintenant, une exposition itinérante …

Vous avez manqué cette superbe exposition qui a fermé ses portes le 31 janvier dernier ?

Alors, vous avez droit à une séance de rattrapage ! Ou plutôt deux !

Dans un premier temps, je vous conseille vivement de visionner ces deux vidéos disponibles sur le site de BATTEUR MAGAZINE. Vous pourrez effectuer la visite complète de l’exposition avec les commentaires de Philippe NASSE : 1ère partie et 2ème partie.

En effet, l’exposition temporaire du MUPOP s’est transformée en exposition itinérante destinée aux médiathèques, aux centres culturels ou à tout autre lieu qui souhaite raconter l’histoire de la batterie en France.

Faut que ça swing ! sillonne désormais la France … et vous pouvez retrouver les différentes dates sur le site jazz-band.fr.

musée

Affiche de l’exposition itinérante – Source : Jazz-band.fr

Et vous, avez-vous visité cette superbe exposition ? Vous intéressez-vous à l’histoire de notre instrument favori ? J’attends vos commentaires !

 

Si cet article vous a plu, n’hésitez surtout pas à commenter et à partager ce contenu !

Et, pour ne pas rater les prochains, abonnez-vous à la newsletter de Rim Shot & Ghost Note.

Merci !

 

Sources :

 

Recevez mon guide pdf gratuit !

Les bons tuyaux pour... Dénicher des partitions de batterie


Je partage mon carnet d'adresses avec les lecteurs de Rim Shot & Ghost Note et je vous livre toutes les pistes pour dénicher des partitions de qualité.

Je déteste les spams ! Votre adresse ne sera ni vendue ni divulguée. En vous inscrivant ici, vous acceptez de recevoir régulièrement des publications gratuites de Rim Shot & Ghost Note. Vous pouvez accéder à vos données personnelles et vous désabonner à tout moment avec les liens présents dans chaque courriel.
Vous aimez... alors partagez !