Roadbook

Manu Katché est un personnage à part dans le monde de la batterie française.

Il est batteur, mais également auteur, compositeur, parolier et interprète.

Et c’est un des rares batteurs français ayant réussi une carrière internationale dans l’industrie musicale anglo-saxonne.

En 2013, il nous a livré Roadbook, des mémoires au cours desquelles il revient sur les moments forts de sa formidable carrière.

Roadbook
Couverture de Roadbook

Une biographie originale…

Comme toute personne de caractère, Manu Katché a ses admirateurs et ses détracteurs. J’avoue faire plutôt partie de la première catégorie. Son jeu inimitable et sa présence derrière la batterie en font ainsi une de mes références. Cependant, la prétention qu’il affiche souvent dans les interviews peut vraiment être énervante. Et face aux critiques vraiment contrastées, lues sur cet ouvrage, j’ai longtemps hésité avant de l’acheter.

Il faut dire que la présentation de cette biographie est vraiment originale. Il s’agit davantage d’un recueil de souvenirs et d’anecdotes retraçant son parcours professionnel, ses rencontres avec les plus grandes stars de la musique, son travail avec de nombreux artistes de tous horizons.

C’est plutôt déconcertant, car il n’y a pas de véritable logique ou de chronologie dans l’enchaînement des différents chapitres.

Ce livre est véritablement un carnet de bord et cela justifie complètement son titre.

L’âge d’or de la pop anglo-saxonne…

Tout au long de son Roadbook, on est émerveillé par les stars que Manu Katché a eues la chance de côtoyer : Peter Gabriel et Sting bien sûr mais également Stevie Wonder, Mick Jagger, Prince, Ben Harper, Al Jarreau, Herbie Hancock, Mark Knopfler (pour Dire Straits), Jeff Beck, The Edge, Joni Mitchell, Jeff Porcaro (et tous les musiciens de Toto), Marcus Miller, Joe Satriani, Tracy Chapman, Tears For Fears, Simple Minds, etc…

Si vous cherchez dans le rayon pop-rock – période 1980-1990 de votre discothèque, vous serez certainement surpris du nombre d’albums sur lesquels Manu Katché est crédité pour ces parties de batterie !

Manu Katché
Photo “ Manu Katché 2010 par Uelef, Ulf Cronenberg (Würzburg)
CC BY-SA, via Wikimedia Commons

En effet, le batteur français a vécu l’âge d’or de la pop anglo-saxonne où les maisons de disques vendaient les albums par millions. Il a connu cette période faste de l’industrie musicale où l’argent coulait à flots pour réaliser les plus belles productions.

Et il a goûté à cette vie de musicien-star : séjours dans les plus beaux hôtels, carrière gérée par un agent new-yorkais, agenda débordant de propositions, choix des projets musicaux, aller-retour en Concorde pour une simple session de travail à New-York, etc.

Sa rencontre avec Peter Gabriel…

Manu Katché n’évoque pas ou peu le début de sa carrière ainsi que les différentes étapes qui l’ont conduit à la consécration internationale.

En revanche, il insiste sur sa rencontre avec Peter Gabriel pour l’enregistrement de l’album “So” en 1986. Il n’hésite alors pas à la qualifier “d’épisode fondateur qui est une des clés de sa carrière”.

“Peter ne veut pas d’imitation, il me demande de jouer comme je le sens, en somme, comme je suis. Le problème, c’est que je ne sais pas quel est mon jeu profond.(…) Peter voit que je galère. Alors il se plante devant la batterie et commence à danser comme les Africains.(…) Je comprends le message : Peter se met à nu face à moi et me dit de me lâcher, de faire comme lui. (…) On me dit, a posteriori, que j’ai développé un style marquant. En somme, je dois cette prise de conscience stylistique à Peter Gabriel. C’est lui qui a déclenché ce que j’allais devenir.”

Roadbook – page 55

Manu Katché : une identité musicale forte…

Après cette rencontre décisive, les anecdotes confiées prouvent que Manu Katché est très fier de son parcours. Mais il conserve une vision très lucide sur cette scène musicale.

Il s’est frayé un chemin dans cette “music industry” tout en affirmant son identité musicale. Il a tout d’abord misé sur sa technique irréprochable. Puis il a mis en avant des éléments que les batteurs américains ne proposaient pas :

  • sa formation de percussionniste classique lui permettant d’apporter de nombreuses couleurs et dynamiques (sur les cymbales notamment),
  • ses goûts variés pour les musiques africaines, pour les rythmes R’n’B, soul et funk,
  • ses influences jazz héritées de passages dans les clubs parisiens,
  • son parcours auprès d’artistes de styles très différents.

“(…) Tous les musiciens de rock avec lesquels j’ai joué m’ont dit : Tu es vraiment un musicien de jazz qui joue du rock. Et quand je joue du jazz, je reste un batteur de rock”.

Roadbook – page 198
manu Katché
Photo par Philippe Agnifili [CC BY-ND 4.0], via FLICKR

À aucun moment, il a cherché à se fondre dans le moule des batteurs américains et à les imiter. Et hormis Jeff Porcaro, il n’évoque pas ses rencontres avec les autres batteurs.

“Le plus surprenant, c’est mon amitié directe, franche, avec Porcaro. (…) Pourtant, nous sommes tous les deux batteurs, mais il n’y aucune rivalité entre nous.”

Roadbook – page 18

En toutes circonstances, il est resté fidèle à ses principes et à son jeu. Les artistes et producteurs sont alors venus chercher LE son et LA signature “Katché”.

“Je surprends une conversation entre Robertson et un type qui lui pose la question suivante : “Pourquoi es-tu allé chercher un batteur français ?” Et Robbie de répondre : “Manu produit un son tout à fait particulier, je crois qu’on n’a pas ça ici.”

Roadbook – page 143

Un survol superficiel de la carrière de Manu Katché…

Cet ouvrage présente un énorme point faible : il propose un survol superficiel de la carrière de Manu Katché. C’est vraiment frustrant.

Vous cherchez à connaître tous les détails du parcours du batteur français ? Passez votre chemin ! Je pensais découvrir sa formation de percussionniste classique, sa vocation pour la batterie, ses débuts dans la variété française, son ascension internationale, son retour vers la scène jazz, les coulisses de son émission musicale One Shot Not, son expérience de juré dans Nouvelles Stars…

Tout ceci est laissé de côté ou simplement évoqué à demi-mot.

Manu Katché
Photo par Philippe Agnifili [CC BY-ND 4.0], via FLICKR

Pourquoi n’y a-t-il aucune anecdote sur sa carrière “française” pourtant si riche ?

Manu Katché a effectivement travaillé avec les grands noms de la variété française : Laurent Voulzy, Francis Cabrel (3 albums), Véronique Sanson, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Maxime Le Forestier, Catherine Lara, Michel Jonasz (3 albums), Jean-Jacques Goldman (album “Positif”).

Il a également accompagné de nombreux artistes français de la nouvelle génération comme Christophe Maé, Sinclair, Axel Bauer ou encore Patrick Bruel à ses débuts.

Ressentirait-il une amertume à l’égard du milieu musical français ? Mettrait-il en avant le manque de considération et de reconnaissance dont il a souffert dans son pays ? Reprocherait-il aux producteurs français de trouver plus crédible et vendeur d’engager des musiciens américains plutôt que des artistes français ?

“ (…) Je parle avec beaucoup de tendresse des musiciens américains et anglo-saxons, car c’est avec eux que j’ai le plus travaillé, mais surtout, par rapport aux Français, il faut admettre qu’ils se la jouent beaucoup moins. (…) Pour les Américains, le rapport musicien – artiste n’est pas le même. (…) En France, le chanteur était devant, les musiciens cachés derrière lui. Aux Etats-Unis, culturellement, les musiciens ont toujours été importants.”

Roadbook – page 19

Une présentation maladroite…

Par ailleurs, à de nombreuses reprises, la présentation des anecdotes est vraiment maladroite. Cela donne alors l’impression de tourner à l’auto-contemplation d’un musicien sur sa propre carrière.

Manu Katché aurait-il un ego surdimensionné ou souffrirait-il d’un manque flagrant d’humilité ?

Étant donné son parcours, il peut “se la péter” et il l’avoue volontiers dans certaines interviews !

Il est fier de son parcours et de la touche personnelle qu’il a apportée à de nombreuses productions musicales anglo-saxonnes. Dans ce sens, il n’a plus rien à prouver à qui que ce soit.

Cependant, certaines anecdotes sont très mal amenées et construisent ce personnage hautain et imbus de lui-même.

Un exemple flagrant ? Lisez sa manière de relater son refus de jouer sur un album de Mick Jagger !

“Je confesse être très occupé par mon propre projet, mais je l’informe que, néanmoins, j’ai pris le temps d’écouter avec attention sa K7 démo. Ma réponse quant à notre collaboration tombe : négative. Léger temps mort au bout du fil… puis Mick me remercie et me salue.”

Roadbook – page 37

Un autre exemple : les citations d’artistes à la gloire de Manu qui émaillent plusieurs chapitres.

Manu Katché
Photo de Karsten W. Rohrbach [CC BY-NC-ND 4.0], via FLICKR

Je préfère parler de maladresse, car, d’un autre côté, Manu Katché donne à plusieurs reprises l’impression de revivre tous ces moments avec les yeux émerveillés d’un enfant.

“Depuis mon adolescence, je voue un immense respect à un musicien instrumentiste qui, aujourd’hui encore, reste le maître absolu dans son domaine : M. Herbie Hancock. J’ai écouté et réécouté ses albums, je suis allé maintes et maintes fois le voir en concert, j’ai, bien sûr, comme beaucoup d’autres, régulièrement rêvé de jouer à ses côtés et, finalement, la chance m’a souri et j’ai pu réaliser ce rêve.”

Roadbook – page 208

Manu Katché : un musicien de jazz qui joue du rock…

Pour aller dans le sens des détracteurs de Manu Katché, ce livre est très vite lu (si vous avez un trajet d’une petite heure en train, c’est parfait !) et ce n’est pas de la grande littérature.

Mais j’ai passé un bon moment en parcourant ces différentes anecdotes.

Faites abstraction de l’auto-satisfaction flagrante et récurrente de Manu Katché et vous découvrirez l’histoire d’un gamin de la banlieue parisienne qui a cru très fort en ces capacités et qui a su se forger une véritable identité musicale pour devenir un artiste authentique et mondialement reconnu.

Un beau message pour les jeunes batteurs, n’est-ce pas ?

Et vous, êtes-vous fan de Manu Katché ? Avez-vous lu cet ouvrage ? Qu’en pensez-vous ? Dites-moi tout dans les commentaires !

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Sources pour cet article :

  • Manu KATCHE : Roadbook – Editions Cherche Midi – 17/10/2013
  • Manu KATCHE : Site officiel
  • ELLE MAN : Interview avec Manu Katché – Roadbook, sur la route avec les stars
  • MATDESVIGNES : Manu Katché – Roadbook – Passionnant et authentique – 17/12/2014

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