Un squelette regarde une batterie

Jouer de la batterie est une activité physique qui implique tout le corps du batteur. Mais, lorsqu’il travaille son instrument, le musicien est plutôt focalisé sur l’enchaînement qu’il souhaite réussir ou sur le son qu’il veut obtenir. Il apporte généralement peu d’attention au rôle de son anatomie dans son jeu. Et il occulte très souvent la fatigue et les douleurs ressenties. Cette prise en considération est pourtant primordiale pour répéter ces gestes le plus naturellement possible tout en évitant les blessures. Alors, connaissez-vous bien le fonctionnement de votre organisme ? Avez-vous conscience des règles morphologiques qui régissent des déplacements efficaces et performants sur l’ensemble du kit ? Grâce au livre Batteur & Anatomie récemment traduit en français par Victor Singer (Batterie Magazine), découvrez les mécanismes du mouvement et suivez les conseils de l’auteur américain, John Lamb, pour être davantage à l’écoute de votre corps et pour adopter la bonne gestuelle sur la batterie.

Le corps du batteur
Illustration : FR[ed]C – Rim Shot & Ghost Note

Une bonne connaissance de son corps

Lorsqu’on observe les meilleurs batteurs, tout semble facile et inné. On admire la fluidité de leurs déplacements et leur précision.

Mais, pourquoi tous les batteurs ne jouent-ils pas spontanément comme cela ?

Au fil de l’apprentissage, une méconnaissance des mécanismes du mouvement et des renseignements erronés sont susceptibles de déformer notre gestuelle naturelle. Et cela fausse la représentation et la perception que nous avons de notre anatomie.

Or, si les informations dont dispose notre cerveau sont altérées, notre façon de bouger peut s’avérer inefficace, voire dangereuse à long terme.

Anatomie du corps du batteurn
Anatomie du corps humain – Image libre de droits

En effet, la batterie est un instrument de musique exigeant pour l’ensemble du corps du batteur. Des mouvements mal exécutés et répétés indéfiniment conduisent alors à des sensations désagréables. Puis viennent des blessures plus ou moins faciles à traiter : ampoules, tendinite, tendinose, nerf pincé, syndrome du défilé thoracique ou du canal carpien, douleurs cervicales, lombalgie, etc.

« La douleur est ma compagne pendant tout le show. Cela ne se passe jamais sans peine. J’ai des douleurs, je transpire énormément. Je dois combattre cela au quotidien. »

Dave Lombardo – Batteur Magazine #337 – Octobre 2019

Mettons fin à un mythe : jouer de la batterie ne devrait pas faire souffrir ! Si un mouvement provoque une gêne physique, c’est qu’il est mal exécuté. Dans ce cas, notre corps nous transmet des signaux d’alerte et nous indique que nous l’utilisons d’une manière inadaptée.

Il faut alors mener une réflexion sur la posture, sur la disposition des éléments du kit, sur la tenue des baguettes ou encore sur la décomposition du geste. Ce travail de fond permet de (re)prendre de bonnes habitudes synonymes d’une meilleure technique, d’un apprentissage plus efficace et d’une musicalité accrue.

Le corps du batteur, une structure de tenségrité

Pour apprendre comment fonctionne notre corps, John Lamb nous donne plusieurs pistes de réflexion comme le concept de tenségrité.

Ce terme aurait été inventé en 1949 par Richard Buckminster Fuller, architecte et designer américain. Il provient de la contraction des mots tension et intégrité. Et il définit la faculté d’une structure à se stabiliser grâce à un jeu de forces parfaitement réparties et équilibrées sur l’ensemble de l’ouvrage.

Cette conception novatrice offre la possibilité de réaliser des constructions de grande taille, à la fois légères, déformables et supportant les contraintes grâce à l’assemblage de tiges rigides et de câbles tendus.

Dôme géodésique conçu par Richard Buckminster Fuller
La Biosphère, un dôme géodésique conçu par Richard Buckminster Fuller en 1967
Photo de Idej Elixe [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Au cours des années 1970, Stephen Levin, chirurgien orthopédiste américain, constate que notre anatomie répond au concept de tenségrité. Dans cette analogie avec l’architecture, les os résistants aux efforts remplacent les barres métalliques. Quant aux muscles et aux tissus conjonctifs (fascias, tendons, ligaments, etc.), ils se substituent aux câbles et exercent une force continue sur le squelette.

John Lamb va plus loin en considérant que le corps humain est lui-même décomposé en unités fonctionnelles (colonne vertébrale, épaule, bras, articulations, etc.) formant des systèmes de tenségrité liés et interdépendants.

Cette combinaison d’éléments rigides et élastiques nous permet :

  • de résister à des sollicitations importantes ;
  • d’être mobiles et flexibles ou, au contraire, fermes et raides (selon les besoins) ;
  • de créer une grande variété de gestes et de produire de l’énergie avec un minimum d’efforts.

En tant que structure de tenségrité, la globalité de notre corps est donc mobilisée pour générer une véritable réaction en chaîne qui se propage entre les différentes articulations. Et la force du mouvement parcourt tout notre organisme de manière fluide.

La kinesthésie, un sens primordial pour le batteur

Au sein d’une structure de tenségrité, chaque élément a une fonction bien définie :

  • les muscles produisent l’énergie nécessaire aux mouvements ;
  • les os constituent la charpente de notre anatomie et ils distribuent la force générée par les muscles jusqu’à sa destination ;
  • les articulations forment des liaisons entre les os et elles déterminent les gestes réalisables ;
  • le tissu conjonctif maintient le squelette et les muscles et il s’adapte à nos positions qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

Mais comment savoir si l’énergie produite circule correctement au sein de notre corps ?

L'énergie du mouvement circule dans le corps du batteur
Photo libre de droits [CC0 Public Domain]

La kinesthésie est LE sens du mouvement. Avec l’ouïe, la douleur, le toucher et la vision, elle fait partie des cinq sens importants pour apprendre et jouer de la musique.

Véritable siège de la mémoire musculaire, elle nous renseigne de manière spécifique sur :

  • la vitesse et la qualité du mouvement ;
  • la force exercée ;
  • la position du corps ;
  • la tension des muscles, du tissu conjonctif et des articulations.
sportif

L’activité musicale du batteur est-elle comparable à une pratique sportive ? Pour aller plus loin sur ce thème, je vous recommande la lecture de cet article : Le Batteur, un sportif qui s’ignore ?

Cette perception sensitive est largement méconnue. Et nous ignorons bien souvent les signaux qu’elle transmet au cerveau grâce aux récepteurs présents dans les muscles et le tissu conjonctif.

Pourtant, se concentrer avant tout sur les sensations kinesthésiques favorise la réalisation de gestes naturels et efficaces avec un minimum d’efforts. Et laisser ce ressenti dominer le contrôle et la réflexion permet de mettre de côté les pensées susceptibles de limiter ou d’influencer négativement nos actions.

Six points d’équilibre pour une bonne posture

Comprendre le mécanisme du mouvement et être à l’écoute de son corps est indispensable pour acquérir une bonne posture.

Cette position idéale et dynamique soutient nos déplacements et nous procure l’équilibre nécessaire à chaque instant.

Lorsque nous sommes debout, elle repose sur l’alignement vertical de six points de notre anatomie :

  • l’articulation atlanto-occipitale au centre du crâne (à la jonction avec la colonne vertébrale) ;
  • l’épaule (entre l’humérus et l’omoplate) ;
  • le rachis lombaire au milieu du corps ;
  • les hanches ;
  • les genoux ;
  • les chevilles.

« Si je ressens la moindre tension, je fais en sorte de changer ma gestuelle jusqu’à trouver la position qui me convient le mieux. Je vois tant de batteurs se crever, en persistant à utiliser leurs muscles de la mauvaise façon et en ignorant la douleur. »

Dave Mc Clain – Batteur Magazine #341 – Février 2020

Pour le batteur assis sur son siège, la bonne posture concerne essentiellement les quatre premiers points.

Les quatre points d'équilibre du batteur
Les quatre points d’équilibre du batteur – Batteur & Anatomie (avec l’autorisation de l’éditeur)

Dans cet état d’équilibre, le squelette soutient convenablement le corps du batteur. La colonne vertébrale transmet le poids du buste, de la tête et des bras vers le siège au niveau des ischions (en partie inférieure du bassin). Dans le même temps, cette position libère les jambes qui contribuent néanmoins grandement à notre stabilité.

Pour le musicien, avoir une bonne posture signifie donc :

  • moins d’efforts à fournir ;
  • une plus grande agilité ;
  • des gestes plus efficaces et plus précis ;
  • un confort de jeu accru ;
  • moins de fatigue et de douleurs.

Et l’on sait à quel point la condition physique influence la confiance en soi et la qualité d’une prestation.

Batteur & Anatomie : une mine d’informations

Quels enseignements pouvez-vous concrètement tirer de Batteur & Anatomie ?

Couverture du livre Batteur & Anatomie
Couverture du livre Batteur & Anatomie – Source : Bonne Note Editions (avec l’autorisation de l’éditeur)

Ils sont multiples et entrent directement au service de votre pratique :

  • Il est indispensable de comprendre le fonctionnement du corps humain ;
  • Une bonne connaissance des interactions des articulations favorise l’enchaînement des mouvements.
  • Cette synergie limite les efforts en combinant la puissance des différents muscles.
  • Un mouvement ondulatoire permet à la force de circuler efficacement jusqu’à sa destination.
  • Il est primordial de bien terminer son geste pour libérer la vague d’énergie.

» Un des mythes les plus dangereux est de dire : « Tout est dans le poignet ». […] Le mouvement du poignet est le résultat de mouvements provenant du coude, de l’épaule et de la clavicule. […] Si vous pensez que « tout est dans le poignet », alors vous ferez tout votre possible pour que cela soit vrai. »

John Lamb – Batteur & Anatomie

L’approche anatomique proposée par John Lamb est souvent technique. Néanmoins, cet aspect est régulièrement rapproché du ressenti du musicien. Afin que le corps du batteur et son cerveau soient étroitement liés, il est donc nécessaire :

  • de prendre conscience des muscles et des articulations concernés par les déplacements ;
  • d’identifier et de visualiser nos différents points d’équilibre ;
  • de tenir compte des sensations produites par mouvements.

Cet ouvrage est une mine d’informations. Il vous aidera à (re)penser votre pratique de la batterie (ergonomie du kit, tenue des baguettes, techniques de jeu, posture, etc.) pour jouer sereinement pendant de longues années.


Connaissez-vous toute l’implication de votre corps dans votre activité musicale ? Avez-vous déjà connu des problèmes physiques en jouant de la batterie ? J’attends vos commentaires !


Sources pour cet article

Batteur & Anatomie – Mouvements, postures et sensations pour mieux jouer – John Lamb – Bonne Note Editions – Juin 2022

Traduction par Victor Singer, batteur professionnel et journaliste pour Batterie Magazine.

Validation par Clément Nguyen, kinésithérapeute (Kiné des musiciens).

Le livre est disponible sur le site de l’éditeur et dans plus de 30 points de vente en France (magasins de musique, Fnac, Cultura, etc.).

Un grand merci à Eugène Coleur, Bonne Note Editions.

Avertissement : Cet article est réalisé de manière totalement indépendante et il ne contient aucun lien affilié. Je ne suis pas parrainé par l’éditeur du livre et je ne touche aucune contrepartie pour publier cet article.

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